L’enseignement du lexique en langue étrangère est rarement aisé. L’acquisition du lexique est l’un des phénomènes de psycholinguistique les plus complexes, et les mécanismes à l’œuvre dans l’ancrage mémoriel d’unités lexicales sont méconnus. La difficulté de l’appropriation de cette compétence linguistique pour les apprenants est plus que documentée. La métaphore qui suit illustre bien la complexité de processus :
L’apprenant a la tâche redoutable d’imiter les complexités du stockage L1 dans une L2 et, bien sûr, le lexique mental L2 devra se développer depuis quelques fils initiaux jusqu’à l’objectif des connexions labyrinthiques entre les mots. (McCarthy, Vocabulary, 1998)
Si acquérir le lexique est complexe, l’enseigner ne l’est pas moins. Le rôle de l’enseignant dans l’acquisition du lexique est d’accompagner la construction de ces « connexions labyrinthiques », ce qui est bien plus ardu que de délivrer une explication de grammaire, d’autant plus que la formation des enseignants de FLE est souvent lacunaire à ce sujet.
Non seulement l’apprenant connaît moins d’unités L2 que L1 (cela semble évident), mais en plus il les connaît moins bien. Cette différence est elle aussi quantitative et non pas qualitative. Quand on pense aux unités de sa propre langue maternelle que l’on connaît moins bien, on voit bien qu’il s’agit principalement des unités peu fréquentes. En L2, toutes les unités sont « par définition des unités relativement peu fréquentes » (Meara 1982) dans le stock total de l’apprenant.
Suivant l’opinion d’Alex Boulton dans un article intitulé « L’acquisition du lexique en langue étrangère », la littérature sur le sujet semble s’accorder sur le consensus suivant : plus l’apprenant est exposé à une unité lexicale, plus il est susceptible de la retenir.
Par ailleurs, la qualité de l’ancrage mémoriel est dépendante de la diversité de contextes dans lesquels l’unité lexicale a été rencontrée. Le matériau lexical ne serait donc pas à considérer comme un empilement de connaissances, mais comme un réseau dynamique « d’entités interconnectées » (Jousse, Polguère, Tremblay, Les apprentissages lexicaux. Lexique et production verbale, 2008).
La tâche de l’enseignant s’avère donc particulièrement complexe dans l’accompagnement de ses apprenants à l’acquisition du lexique, en commençant par la première question qui se pose lorsque l’on prépare des activités de lexique : Quels mots, quelles unités lexicales choisir, et comment ?
Chez Frello, nous avons pris le parti très commun de baser nos modules de lexique sur les objectifs communicatifs des leçons. Nous partons donc de notre référentiel et établissons une liste de vocabulaire qui facilitera à l’apprenant l’acquisition des savoir-faire pragmatiques et des savoir-faire communicatifs.
Cette liste de vocabulaire sera ensuite soumise à un test de fréquence. Pour ce faire, nous avons recours à plusieurs outils (une liste de fréquence publiée sur le site d'Eduscol, un calculateur de fréquence, ainsi que l'outil Ngram viewer, qui permet de voir la fréquence des occurrences de tel ou tel mot dans les œuvres littéraires), dont nous croisons les résultats pour une pertinence optimale. Une fois la liste constituée, nous élaborons une maquette de module, qui prend en compte les règles suivantes :
Nous partons du principe qu’une unité lexicale ne doit jamais être observée en isolation. C’est pourquoi dans toutes les activités nous avons contextualisé les unités lexicales au sein de phrases.
Les modules sont construits de la façon suivante :
- Phase d’exposition active, où l’apprenant est sollicité pour réaliser une activité qui ne fait pas directement appel à ses connaissances lexicales mais à d’autres compétences linguistiques, ici ses capacités phonétiques.
- Phase de restitution, ci-dessous l’apprenant doit sélectionner le lexique correct grâce au contexte dans une liste déroulante.
Il est crucial pour nous de proposer une contextualisation qui possède un ancrage dans le réel. À cet effet, l’exposition aux unités lexicales, notamment audio, n’est volontairement pas dépouillée de disfluences, c’est-à-dire de phénomènes discursifs comme les répétitions, les hésitations et les amorces et faux-départs présents dans le langage employé par les natifs.
Du point de vue de la restitution, nous avons pris deux éléments en compte.
Le premier est la restitution directe d’unités lexicales au sein même du module de lexique, que nous avons déjà mentionnée plus haut.
Le second élément est la restitution du lexique au sein de la leçon entière, qui permet d’asseoir l’ancrage mémoriel des unités lexicales visées par la réalisation des objectifs communicatifs pour lesquels la liste de vocabulaire a été établie. Prenons l’exemple de cette activité d’expression écrite :
Cette activité nécessite que l’apprenant réinvestisse les unités lexicales auxquelles il a été exposé au cours du module consacré au lexique, tout en exigeant une restitution qui dépasse la simple compétence langagière. D’objectif d’apprentissage, le matériau lexical s’est transmué en outil au service de la communication.
Pour conclure
L’importance d’une exposition élevée au lexique n’est plus à prouver pour son ancrage mémoriel. Par ailleurs, la diversité des contextes d’exposition assure la multiplication des connexions mentales qui se font autour d’une unité lexicale. Ainsi, nous nous attachons à maximiser l’exposition au lexique d’une même leçon ou d’une même unité en l’utilisant dans des exercices et des activités qui font appel à d’autres compétences linguistiques et communicatives, dans les productions écrites et orales, mais aussi dans les modules de grammaire et de phonétique. De plus, les unités lexicales vues dans une leçon sont reprises ultérieurement pour un meilleur ancrage mémoriel.
L’apport du numérique dans l’enseignement du lexique est particulièrement utile. Au sein d’un même groupe, la rapidité d’acquisition du lexique peut grandement varier d’un apprenant à l’autre, suivant un grand nombre de facteurs, cognitifs, sociaux, linguistiques, culturels, etc. Un outil de blended-learning permet d’assurer une exposition au lexique-cible maximisée sans que l’enseignant n’ait à fournir de matériaux.
Gagnez du temps, enseignez plus facilement.